Other formats

    TEI XML file   ePub eBook file  

Connect

    mail icontwitter iconBlogspot iconrss icon

La Nouvelle-Zélande

Chapiter V Les grandes villes de la Nouvelle-Zélande. — Auckland. — Christchurch. — Dunedin

page 69

Chapiter V Les grandes villes de la Nouvelle-Zélande. — Auckland. — Christchurch. — Dunedin.

Auckland est la seconde ville de la colonie. Longtemps elle fut la première, et bien qu’on lui ait enlevé le titre de capitale, il y a une trentaine d’années, elle n’en est pas moins, sur beaucoup de points, à la hauteur de sa rivale, la dépassant même sous quelques rapports.

Son commerce avec l’Europe et l’Australie est égal, sinon supérieur, à celui de Wellington; de plus, elle a, par sa position même, à peu près le monopole des échanges avec les îles du Pacifique.

Les principaux groupes, Samoa, Tonga, Honolulu, l’archipel de Cook, Fidji, sont en relations constantes avec ce port, et jusqu’en 1900, Tahiti n’avait guère d’autres moyens de communication. J’ai fait, pour ma part, tout le possible afin que nos établissements soient reliés à une ligne française, mais les pourparlers n’ont pu aboutir, et c’est maintenant une ligne américaine de bateaux qui les dessert par la voie de San Francisco. Ceci est d’autant plus regrettable, à mon sens, que nos compatriotes, j’en suis persuadé, eussent de beaucoup préféré subventionner des paquebots français; mais, enfin, ils ne pouvaient par patriotisme rester indéfiniment sans communications directes avec le monde extérieur.

Plus favorisée que Wellington par la nature, Auckland est une jolie ville, ou plutôt c’est une ville qui a de jolis environs, car la cité proprement dite se compose surtout d’une rue, large et longue artère, dans laquelle viennent déboucher, à angle page 70droit, une infinité dé voies moins importantes. Cette rue principale, située, sur presque toute sa longueur, entre deux collines, donne assez bien l’impression d’une rivière, dont les rues adjacentes seraient les affluents. Elle s’appelle Queenstreet… naturellement. Il n’y a pas d’agglomération en Australasie, dont l’artère principale — Main-street, dans l’usage commun — ne porte pas sur les plaques municipales Queen street. Cela fait toujours penser à l’Italie où, depuis Rome, jusqu’aux petitesvilles comptant deux rues, plus la place de l’Église, on est sûr de trouver une via Garibaldi, une piazza Vittorio Emmanuele et un corso Cavour. Après tout c’est un moyen pour les coloniaux anglais de rappeler, à tout propos, à leurs enfants qu’ils sont de loyaux sujets de la couronne britannique; de même les Italiens tiennent à graver dans l’esprit des leurs les noms des grands hommes du Risorgimento; mais c’est égal, les uns et les autres abusent un peu de l’instruction par les plaques édilitaires.

Si Auckland, comme ville, n’offre rien de très remarquable, sa situation est ravissante. Quand on se trouve, par une belle journée, au sommet du vieux cratère éteint, appelé le mont Eden, embrassant d’un coup d’œil la baie, avec les îles et le North shore, la ville et les faubourgs, apercevant, par-dessus l’étroite et fertile bande de terre, qu’est l’isthme d’Onehunga, la côte ouest et le Manukau, on est vraiment en présence d’un des plus beaux panoramas qui se puissent rencontrer.

Le climat du nord de la Nouvelle-Zélande est moins froid et changeant que celui de Wellington.

L’hiver s’y fait peu sentir et, n’était une sorte de chaleur humide qui prévaut pendant l’été, il serait un des plus agréables du monde. Grâce aux constants échanges avec les îles du Pacifique, les fruits des tropiques abondent sur les marchés du district, et la douceur de la température permet d’y cultiver en pleine terre ce beau raisin, qui, plus au sud, ne se récolte qu’en serres. Aussi les Aucklandais sont-ils très fiers de leur cité, et s’ils ne se consolent pas tout à fait d’avoir perdu la capitale, ils redoublent d’efforts pour que la ville rivale ne prenne pas, page 71
Black and white photograph of the corner of Wellesley and Queen Streets, Auckland, c. 1900.

l’Hotel de ville d’Auckland — photographie de J. Martin, a Auckland.

page 72 page 73
Parliament buildings, Wellington, New Zealand, c.1904.

Wellington.Le batiment des ministères a Wellington. — photographie de J. Martin, a Auckland.

commercialement, la même prépondérance qu’au point de vue politique.

L’excellent Calliope Dock, que la municipalité vient d’agrandir et de perfectionner à des frais énormes, est une des causes de la prospérité d’Auckland, et le Gouvernement anglais a contribué à l’établissement de ce bassin pour 3000 livres sterling. Mais voici que Wellington, jaloux, parle de construire à son tour une cale sèche, munie de tous les perfectionnements modernes, où les grands paquebots et les mastodontes cuirassés pourraient être réparés tout comme à Auckland. La rivalité, on le voit, n’est pas près de s’éteindre.

On est très mondain dans la grande ville du Nord; les sports y sont en honneur plus que partout ailleurs. Je serais tenté de croire que c’est l’endroit de la colonie le plus agréable à habiter.

page 74
Government buildings, Auckland, New Zealand, c.1904.

La Nouvelle-Zélande. Le Gouvernement a Auckland. — Photographie de J. Martin, a Auckland.

La vie y est un peu moins chère que dans la capitale, et surtout l’on y sent beaucoup moins cet insupportable vent auquel il est si difficile de s’habituer.

Si nous passons dans l’île du Milieu, des paysages d’aspect tout différent se présentent à nos regards, et les deux principales villes de cette moitié de la Nouvelle-Zélande rappellent, chacune, deux parties distinctes du Royaume-Uni. Christchurch, capitale de la province de Canterbury, est tout à fait la ville de province en Angleterre. Bâtie dans les riches plaines qui, des monts Kaikoura, s’étendent jusqu’aux premiers contreforts des Alpes méridionales, on y retrouve, fortement imprimées, les traces des premiers colons membres de l’Église d’Angleterre: les épiscopaliens y ont bâti la première cathédrale, en pierres des antipodes, monument fort acceptable, même en Europe.

page 75
Queen's Wharf, Auckland, New Zealand, c.1904.

Queen’s Wharf a Auckland. — Photographie de J. Martin, a Auckland.

Les tremblements de terre n’étant pas à craindre là comme à Wellington, l’horrible bâtisse en bois y a beaucoup moins sévi.

Le terrain ne fait pas défaut; aussi, au lieu de s’écraser les unes sur les autres, comme dans la capitale, les maisons en ville sont espacées, tandis que, dans la banlieue, se succèdent, de distance en distance, de fort jolies villas au milieu de jardins bien entretenus, dont quelques-uns sont de véritables parcs.

Si l’on sort de la ville, de tous côtés, s’allongent à perte de vue, au milieu des prairies et des cultures, de très bonnes routes, la plupart plantées d’arbres, c’est le vrai pays pour les voitures et la bicyclette. Aussi l’on rencontre beaucoup d’équipages tenus à la mode européenne et les vélocipèdes y sont légion. Désirant conserver à leur chef-lieu ce cachet d’anglicisme page 76
Auckland hospital, c.1904.

l’Hopital a Auckland. — Photographie de J. Martin, a Auckland.

qui le distingue entre tous, les Cantorbériens se sont avisés de construire la majorité de leurs édifices publics et nombre de maisons de campagne dans le style pseudo-Moyen Age, que l’on rencontre partout chez nos voisins d’outre-Manche. Mais si le pastiche trop apparent choque en Angleterre, aux antipodes, on ne voit que l’intention et elle paraît plutôt touchante.

Veut-on causer un grand plaisir à un Christchurchois? Quand il vous pose l’inévitable question: « Comment trouvez-vous notre cité »? en répondant « ravissante », ne manquez pas d’ajouter « et si semblable à une ville de l’Old Country »; vous aurez fait, alors, un grand pas dans son cœur.

Vous n’aurez rien dit, du reste, que de très vrai, car l’aspect général de Christchurch, et surtout la jolie petite rivière de l’Avon, bordée, tout du long, de magnifiques saules pleureurs, donnent, à s’y méprendre, l’illusion d’un paysage anglais.

Lorsque le train rapide (rapide est une façon de parler) qui emporte le voyageur vers Dunedin, a franchi les plaines du page 77
Black and white photograph of Queen Street, Auckland, New Zealand, c.1904.

Queen’s Street a Auckland. — Photographie de J. Martin, a Auckland.

page 78 page 79
Black and white photograph of a bridge over the Avon River, Christchurch, New Zealand, c.1904.

l’Avon a Christchurch. — d’Après une photographie.

South Canterbury et s’engage dans les premières collines, au milieu desquelles s’élève la capitale d’Otago, la scène change et l’âpre paysage d’Ecosse se substitue à la plaine verdoyante de l’Angleterre. Quelques habitants de la patrie des Stuarts, venus en Nouvelle-Zélande pour y fonder un établissement, ayant débarqué à Port-Chalmers, trouvèrent à la contrée une si frappante ressemblance avec leur pays, qu’ils décidèrent sur le champ d’y planter leur tente. Tout dans le paysage d’Otago, rappelle l’Ecosse; c’est le même climat rude et brumeux, les plaines y sont fertiles, tandis que les montagnes ressemblent aux monts Grampian ou aux Cheviot.

Pour affirmer plus encore la similitude, les bons Écossais baptisèrent la ville fondée par eux, Dunedin, l’ancien nom d’Edimbourg, et le premier édifice fut la cathédrale, où les page 80vieux puritains purent pratiquer le presbytérianisme de John Knox, pieusement transmis de père en fils. Peut-être, si l’on en juge superficiellement, trouverait-on quelque puérilité à reconstituer, avec une pareille minutie, au delà des mers, la patrie d’origine; quand on y réfléchit, on admire plutôt cette persistance des traditions, qui, n’empêchant nullement les Anglais de mettre en pratique les progrès de la science moderne, a toujours été une de leurs grandes forces.

Le langage des habitants et leur prononciation sont restés très écossais, — en parlant anglais s’entend, — car il y a aussi dans la région bon nombre de celtisants. Ceux-ci, comme les Gallois et les Irlandais de l’ouest, conversent facilement avec nos Bretons. Quant au type, chez beaucoup d’habitants de cette partie de la Nouvelle-Zélande, la prédominance des cheveux roux continue à témoigner de leur origine.

Dunedin est une grande et belle cité bâtie en amphithéâtre sur des coteaux d’où l’on a, presque partout, une vue superbe. De toute la colonie elle est, sans contredit, la ville où l’on rencontre le moins de maisons en bois. Quelques monuments comme l’église presbytérienne, l’hôtel de ville, la cathédrale catholique, sont des morceaux d’architecture fort réussis.

C’est un centre d’affaires important, et la province passe, à bon droit, pour l’une des plus riches comme élevage.

Le climat est un peu froid pour le blé; mais, toujours comme en Écosse, l’avoine y est cultivée sur de très grandes étendues. On en récolte d’excellente qualité.

Cette province fournit, à elle seule, ce qui est nécessaire à la consommation du reste de la Nouvelle-Zélande; en outre, de grandes quantités en sont exportées en Australie et jusqu’en Europe.

Tout se mêle, on le voit, même les céréales, de rappeler la Vieille-Calédonie; et, de fait, lorsqu’on se trouve en Otago, on se croirait aisément transporté dans le pays de Walter Scott. C’est du moins l’impression très nette que j’en ai rapportée personnellement, et si l’atavisme n’est pas un vain mot, je crois page 81posséder de bonnes raisons pour avoir ressenti là son influence.

Tout comme Wellington et Auckland, mais avec moins d’aigreur, car ni l’une ni l’autre n’a jamais été et ne pourra jamais devenir capitale, Christchurch et Dunedin sont en rivalité. Les habitants de chacune d’elles soutiennent, mordicus, que leur cité est la plus belle de la colonie. Étranger à ce débat, nous ne voyons pas de meilleur moyen de les mettre d’accord qu’en reconnaissant, en toute sincérité, la beauté de l’une et de l’autre, dans deux genres très différents.

Black and white photograph of Knox Church, Dunedin, New Zealand, c.1904.

l’Église Presbytérienne de Dunedin. Photographie de J. Martin, a Auckland.

Après ces quatre grandes villes, les plus importantes sont: Napier, dans le district d’Hawkesbay; Timaru, Nelson, dans l’île du Suda; Wanganui, New Plymouth, dans la région du Nord. Il y en a beaucoup d’autres faisant un commerce considérable, mais dont l’énumération serait fastidieuse. On compte, en outre, en Nouvelle-Zélande, d’innombrables agglomérations désignées par le néologisme (d’origine américaine, je crois) de Townships. Cette appellation s’applique aux localités trop petites pour recevoir le nom de villes, et trop peuplées cependant pour être qualifiées de bourgs.